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La création a t-elle un prix?

La semaine de la fashion Révolution est passée et j’ai assisté à une conférence sur la mode éthique et je me suis dis que je ne partageais pas complètement l’analyse de la situation actuelle de la mode responsable.

Déjà, il est très compliqué de définir la mode éthique et je ne m’attarderai pas trop sur le sujet car évidemment le curseur est assez large. En effet où se situe notre échelle de priorité ? La seconde main, le vintage, le lieu de production, des matières propres, des tissus upcyclés, la rémunération des ouvriers, la transparence?

Le métiers d’artisans dans le textile est lui plus que jamais au cœur de mes préoccupations mais j’ai souvent l’impression que nos métiers sont invisibilisés dans les discours.

Depuis plusieurs années de nombreuses marques plus ou moins importantes se sont créées pour proposer une nouvelle voie et je ne peux que me réjouir d’un tel engagement. De petites productions à des montages en série raisonné, la filière change et se transforme. On médiatise beaucoup les acteurs de la ré industrialisation mais finalement très peu ceux qui s’engagent dans une forme de sobriété.

C’est un choix difficile qui demande une énergie et imagination un peu folle car c’est un monde à (ré)inventer. Quand on décide de se lancer, nous sommes face à nos convictions sans avoir de matrice ou de process pour que cela fonctionne.

Il n’y a aucune garantie et surtout ce qui marche un temps, ne marchera peut être plus demain.

Depuis quelques temps, je constate que de nombreuses structures (de petites entreprises à des plus confirmées) ont stoppé leurs activités ou sont dans de grandes difficultés. Pourquoi ? Alors que la population n’a jamais été aussi sensible à des modes de consommation plus responsables, pourquoi autant d’entreprises arrêtent… 

L’autre jour j’ai entendu quelqu’un dire « c’est trop cher pour ce que c’est ». Pourtant je peux vous assurer que le prix c’est le prix. Autant la majorité d’entre vous, ont conscience que derrière le prix d’un article d’un artisan ou d’un créateur il y a des personnes, des charges, des matières autant une grande partie de la population semble confondre la notion de valeur et la notion du coût. 

On peut considérer que l’on est pas prêt à mettre 170€ dans un produit parce que l’on n’y accorde aucun intérêt et que l'on peut trouver moins cher et c’est entendu mais c’est impossible de remettre en question le coût du produit. Derrière cette forme de maladresse anodine, se cache finalement quelque chose de plus profond.

La production de masse, la délocalisation, l’éloignement de la production mais aussi la place consacrée au marketing ont fondamentalement modifier la vision du coût d’un produit manufacturé et parallèlement les métiers manuels ont été largement dévalorisés dans nos sociétés conduisant inévitablement l’ensemble à considérer que la production n’avait aucune « valeur ». 

La question « ce que je suis prêt à mettre pour acquérir le produit » remplace alors le prix.Une question de pouvoir d’achat (et on peut le comprendre)? Ce n’est pas toujours vrai puisque nous pouvons sacrifier certains plaisirs pour en avoir d’autres, c’est le prisme des priorités. Finalement c’est une question de choix et ce choix est lui même conditionné par l’éducation, le milieu culturel, la catégorie socio professionnelle, plus largement son environnement.

Pourtant la réalité économique de la viabilité d’une entreprise c’est qu’un prix est un calcul basé sur des coûts et non sur des valeurs supposées.

Pour moi, il me semble d’abord que c’est le préambule de la réflexion sur le sujet et que pour prendre l’enjeu à bras le corps, il y a tout un travail de revalorisation à porter sur la manufacture. Il ne suffit pas juste de dire que c’est mieux de consommer plus locale, il faut d’abord redonner de la noblesse au Faire.

Je concède totalement que je ne viens pas d’un milieu ouvrier pourtant j’ai toujours trouvé admirable de faire quelque chose de ses mains parce que derrière tout ça, on donne ce que l’on a de plus précieux dans la vie: le temps (et je ne vous apprend rien le temps nous est compté 😅). D’ailleurs ce même temps est valorisé par un taux horaire pour ces mêmes consommateurs dans leur propre travail pour autant ils ne le concèdent pas aux autres. C’est fou quand on y pense, non? 


Nous, les artisans, les ouvriers devons mettre un prix derrière ce temps pour vivre (d’abord) mais aussi pour continuer de fabriquer d’autres produits (logique).


Le temps consacré à chaque objet, chaque vêtement a bel et bien un coût et c’est bien cela que l’industrie low cost nous a fait collectivement oublier… 

Je crois que l’on doit absolument remettre de l’ordre dans nos discours et que parler d’urgence climatique, bien que réel ne peut à lui seul constituer le socle de la réflexion sur le sujet.

Réhabiliter le temps, réhabiliter les savoir faire, mieux éduquer à ces notions, mieux valoriser les métiers créatifs c’est le point de départ pour le changement, pour respecter les coûts des entreprises artisanales et pour continuer d’acquérir des objets d’une valeur que l’on peut considérer en pleine conscience et



à juste titre comme inestimable 😉

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